Agir pour la démocratie

Pour la démocratie, c’est une victoire, remportée alors que la France est encore sous le choc des terribles attentats islamistes subis il y a un mois et que le vote a eu lieu en plein Etat d’urgence. Certains dangers la menacent toutefois sérieusement : l’abstention, qui reste massive, et l’adhésion de plus en plus forte au parti et aux idées d’extrême-droite, notamment de la part des jeunes. En France comme ailleurs en Europe, c’est en effet au sein de la jeunesse que l’extrême droite nationaliste comme l’islamisme séduisent le plus et recrutent leurs forces vives, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ils offrent une grille de lecture du monde. Alors que l’accès à l’information est de plus en plus aisé et que le monde ne perd pas en complexité, disposer d’éléments de compréhension est devenu un besoin impérieux pour ne pas sombrer dans la paranoïa ou l’angoisse paralysante. Ensuite, ils sont sincères : ils croient en ce qu’ils disent. Ils défendent des idées sinistres et violentes, mais ils y croient. En face de responsables politiques démocrates aux convictions trop souvent fluctuantes, cette sincérité plaît, notamment au sein de la jeunesse. De plus, ils ont pour eux de mettre leurs actes en accord avec leurs paroles. Les islamistes massacrent des Juifs, asservissent les femmes, tuent des libre-penseurs, combattent la laïcité et s’engagent pour étendre leur impérialisme. Les nationalistes discriminent, combattent la laïcité, tiennent des discours de haine, autorisent ou soutiennent les passages à l’acte violents. Alors que tant de promesses ne sont pas tenues, cette concordance entre paroles et actions, fussent-elles funeste, séduit. Par ailleurs, ils offrent une place aux jeunes. Une des députés FN est la benjamine de l’Assemblée Nationale, les tueurs de Toulouse, du musée juif de Bruxelles, de janvier et de novembre 2015 sont des jeunes. Leurs héros sont abjects, mais jeunes. Les jeunes démocrates, eux, peinent à se faire une place dans la vie économique, intellectuelle, artistique, sociale et politique, trop souvent verrouillée par des générations plus âgées. Enfin, ils proposent une formidable aventure, notamment à l’international. S’engager, pour les uns, aux côtés des nationalistes partout sur notre continent, ou de la Russie poutinienne pour défendre la chrétienté en Europe et ailleurs ; pour les autres, auprès des islamistes en Syrie, en Irak et au Mali pour créer un califat contemporain, sont des aventures internationales à visée historique. Alors que le déclassement individuel et collectif est une réalité vécue par un nombre toujours croissant de citoyens, ces aventures qui dépassent l’individu permettent de relever la tête, de retrouver de la dignité, de donner du sens aux souffrances d’aujourd’hui, du souffle et une perspective d’avenir. Aux jeunes comme aux autres, cela plaît. Face à cet état de fait, il est urgent pour la démocratie de passer à l’action. Elle ne doit plus être une incantation ou un concept creux, mais correspondre à des bénéfices tangibles, pour tous. Il est grand temps de relancer une grande aventure collective, de réinvestir la solidarité internationale, de tracer une perspective pour notre pays et notre continent qui soit fondée sur les valeurs de la démocratie, et de placer la jeunesse en son cœur. Cette grande aventure à vivre ensemble, cela pourrait être, par exemple, la constitution d’une identité et d’une société civile européennes à travers l’établissement d' »Erasmus Universel ». Cela signifierait la circulation de tous les étudiants et apprentis et de tous les élèves, du primaire au lycée, en Europe comme sur la rive sud de la Méditerranée. Concrètement, cela signifierait pour chaque élève, au cours de chaque cycle, une expérience à l’international : au primaire, un voyage de classe à l’étranger pendant une à deux semaines ; au collège, l’insertion dans une classe étrangère pendant une certaine période, par exemple un mois ; au lycée, un trimestre ou un semestre d’échange. Bien évidemment, cela s’accompagnerait de l’accueil, pour les mêmes durées, d’élèves étrangers. Un Service civil européen, notamment tourné vers les pays pauvres sur l’exemple des Peace Corps américains, pourrait également être mis en place. Désiré par la jeunesse, qui est à l’origine et au cœur de cette proposition, l’établissement d' »Erasmus Universel » permettrait de mettre en actes les valeurs de la démocratie et de lui redonner un souffle civilisationnel à même de faire reculer l’islamisme et l’extrême droite nationaliste, en France comme ailleurs en Europe. Pour la démocratie, il y a urgence.

Quand les USA soutiennent la démocratie Russe

Le 14 mai 2015, le magazine Zavtra a publié l’article ci-dessous, relatif à l’évolution récente des activités de déstabilisation politique et sociale déployées en Russie par les États-Unis et leur cinquième colonne. Les russophones pourront approfondir le sujet avec un autre article disponible ici. Le fonds national de soutien à la démocratie (National Endowment for Democracy, NED), fondé par le Congrès des États-Unis a consacré en 2014 9,3 millions de dollars au soutien de diverses ONG de Russie, ce qui représente 1,3 million de plus qu’en 2013, communique Isvestia. Le fonds reçoit une somme de l’ordre de 100 millions de dollars l’an de la direction de l’agence des États-Unis pour le développement international (USAID). En Russie, les activités de cette fondation furent interdites en 2012. Chaque année, le NED distribue 1200 «subventions» dans plus de 100 pays. Il reçoit également des moyens de la part de sponsors, dont Chevron, Coca-Cola, Goldman Sachs, Google, Microsoft, et la Chambre de commerce des États-Unis. Parmi les sponsors privés de 2013, on compte l’ex-Secrétaire d’État Condoleeza Rice, l’ancien Directeur-adjoint de la CIA et ex-Ministre de la Défense Frank Carlucci, et l’ex-Secrétaire d’État adjoint Paula Dobrianski, fille de Lev Dobrianski qui a effectué un lobbying intense aux États-Unis en faveur du retrait de l’Ukraine de l’URSS. Le Vice-Président du fonds, Nadia Duke supervise la branche Russie du NED (sa zone de responsabilités couvre également l’Afrique, l’Europe Centrale et l’Eurasie, l’Amérique Latine, et les Caraïbes). Son père, Petro Duke, est un ancien soldat de l’armée insurrectionnelle d’Ukraine, indiquent Izvestia. Duke et son époux, Adrian Karatnitski émettent publiquement de très nombreuses critiques envers le régime politique de Russie. Les subventions sont réparties à travers quatre canaux principaux : le Centre Américain pour la Solidarité Internationale du Travail (ACILS), le Centre international de l’Entreprise Privée (CIPE), l’Institut Républicain international (IRI) et l’Institut Démocrate national (NDI). La comptabilité du NED relative à la répartition de l’argent en Russie en 2014 constitue un document classifié reprenant les activités des différentes ONG et les sommes allouées. Pour toute une série de pays, le NED ne révèle pas la dénomination des organisations bénéficiaires. Ce fut en 2011 que le NED publia pour la dernière fois la liste des organisations ayant reçu une subvention en Russie. Certains experts estiment que l’absence de noms concrets témoigne de ce que l’agence serait passée à un régime de travail «dans l’ombre», et dès lors, les organisations russes concernées ne veulent bien sûr pas révéler leurs «racines américaines». Cette opinion semble confirmée par le fait que les données 2014 publiées au printemps 2015 sur le site du NED ont été effacées. On peut toutefois conclure des chiffres globaux, que le NED étend son influence en Russie. En Russie, 85 organisations ont été financées en 2013 dans neuf domaines d’activités (lutte contre la corruption, droits de l’homme, idées et valeurs démocratiques, etc…). En 2014, le nombre des bénéficiaires est passé à 96 organisations, et une dixième catégorie s’est ajoutée, les «processus politiques». Dans cette dernière, deux organisations ont reçu 450 000 dollars pour l’organisation de formations et de séminaires. Le financement des ONG s’occupant en Russie de la lutte contre la corruption est passé de 400 000 dollars à 1,6 million de dollars. Le soutien aux ONG sensées promouvoir des idées et valeurs démocratiques a été augmenté de 500 000 dollars. L’organisation proposant des rencontres autour de la question du respect des droits de l’homme et du mésusage de l’histoire a reçu 400 000 dollars. La loi relative aux «agents étrangers», adoptée en juin 2012 oblige les organisations non-commerciales de s’enregistrer dans le registre prévu à cet effet, en qualité d’agent étranger, dès qu’elles bénéficient d’un financement provenant de l’étranger. Depuis juin 2013, le Ministère de la Justice a reçu le droit d’attribuer selon ses critères la qualité d’agent étranger à une organisation. Pour l’instant le registre des agents étrangers recense 59 organisations, dont 21 reçurent en 2014 un financement émanant du NED.