Restons légers

Le mois dernier, j’ai voyagé pendant une semaine aux Etats-Unis. Ce qui est en soi un voyage sympathique. A cette occasion, j’ai découvert toute la côte est, de New York à la Floride. Pourtant, je ne retiendrai qu’une seule chose de mon séjour : c’est le vol très particulier que j’ai fait au départ de Miami, et qui m’a permis de découvrir les joies de l’apesanteur… C’est une expérience incroyable à vivre, et assez difficile à retranscrire. Elle a lieu à bord d’un avion semblable à tous les autres en apparence. Jusqu’à ce qu’on entre à l’intérieur et qu’on y découvre une large zone entièrement vide, où les parois ont été matelassées : l’aire de jeux où l’on va pouvoir voler, rebondir, flotter, tout au long de l’expérience. Le vol est constitué de quinze paraboles, chacune offrant vingt-deux secondes d’apesanteur. De précieuses secondes toujours trop vite écoulées, mais ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de vivre une expérience pareille, qui était jusqu’à une période récente réservée à une poignée d’astronautes ! La découverte s’est faite toute en douceur. Lors de la première parabole, nous avons eu droit à la pesanteur martienne. Je pouvais faire des pompes sur une main. A la seconde, nous avons eu droit à la gravité lunaire. Là, tout mouvement trop brusque avait déjà tendance à nous propulser contre les parois. Mais ce n’était encore rien comparé aux paraboles suivantes qui, elles, étaient tout simplement en gravité zéro. Le régime ultime. En une seconde (mais seulement pendant vingt-deux secondes, d’accord), vous pesez zéro gramme. J’avais déjà lu quelques articles sur l’apesanteur (ou impesanteur, ou microgravité), mais ils étaient loin de retranscrire le trouble procuré par l’absence de gravité. La première fois, j’agite les bras et les jambes dans le vide pour retrouver mon équilibre. Peine perdue, évidemment. Les règles en microgravité sont entièrement différentes de celles sur terre. Impossible d’avancer en faisant la brasse : on est comme une boule sur une table de billard ; il faut prendre appui sur les parois et tirer sur les sangles qui dépassent ça et là pour pouvoir se mouvoir. Fascinant. Cela demande un certain coup de main pour se déplacer en douceur, sans se cogner aux parois et autres participants dans la cabine. C’est qu’il n’est pas évident de se faire à ce nouveau monde où il n’y a pas de résistance. Mais on y arrive petit à petit, et on finit même par arriver à flotter dans le vide, tel un bouddha en lévitation. La question qui se pose à la sortie d’une telle expérience est cependant terrible : qu’est-il encore possible de vivre de plus extraordinaire après ça ? Suivez le lien pour en savoir plus sur le vol en apesanteur.

Quand la censure revient

Censure antichrétienne : le film « l’Apôtre » interdit de projection. Je veux bien que l’on me ressorte tous les travers de l’Eglise Catholique pour couper court à toute évaluation « actualisé » de ce dont il est question ici, (c’est ce que l’on fait généralement, et c’est ce que je ferais peut être à l’occasion d’un prochain article qui me vient à l’esprit en écrivant ces lignes) ; il n’empêche que ce n’est pas réellement le sujet… mais nous pouvons en débattre, cela va sans dire. Ce que j’aime bien dans ce petit « article » trouvé sur Agoravox.tv, c’est d’abord cette vidéo/sonore d’introduction qui nous vient de nos amis francophones du Quebec… Moooodzziiii tabarnaaakkk !!!… qu’est-ce que j’aime entendre ce pur accent !! (pour de l’humour Québécois bien articulé offrez vous quelques clips de tetesaclaques.tv). Je trouve personnellement très évocateur leur degré de sincère étonnement qui provient du fait qu’ils ne sont pas « immergés » dans le champ psychologique actuel de la France ! Oui, je me rend compte qu’étant moi-même immergé dans ce « champ » (pour encore quelques jours, ensuite retour en Russie), je suis incapable d’avoir cette simple et saine indignation ! En fait je l’ai cette indignation ! Mais je vois qu’elle est « filtrée » par quelque chose qui ne m’appartient pas et qui est quelque chose comme la nasse psychologique qui est en train de se renforcer, de recouvrir et d’assombrir la France à une vitesse « post charlie » des plus inquiétante… Le gouvernement français est toujours en pleine schizophrénie, d’un côté il désigne des musulmans comme étant les responsables d’attentats sanglants meurtriers mondialement médiatisés alors qu’ils ne les ont sans doute pas commis, de l’autre il fait très attention à ne pas froisser la susceptibilité des musulmans en général en faisant censurer un film relatant la conversion d’un musulman au christianisme, où est la cohérence dans ce pouvoir faible, idéologue et démagogique ? Dominic Maurais, animateur de radio du Québec, dénonce l’hypocrisie du gouvernement français qui censure le film de Cheyenne-Marie Carron, « l’Apôtre » : accent canadien à couper au couteau, mais sa verve et sa franchise font beaucoup de bien, Charlie mon œil !

Expliquer Charlie dans les classes

Que leur dire… Le prof, c’est un être humain qui gère de l’humain, et l’histoire de chacun donne une coloration à la manière dont nous dialoguons à chaud avec nos élèves sur des événements tragiques comme ceux survenus en cette semaine de rentrée. J’ai un bagage, et je savais jeudi dernier qu’il allait me falloir compter avec, quand bien même je devais « être prof ». Mon histoire, c’est la sidération pendant les trois jours qu’ont duré les attentats de Bombay en 2008 [OB : Vous pensez que vous n’avez même jamais entendu parler de cet attentat à 173 morts ? C’est ici pour le rappel – qui en dit long sur notre vision nombriliste du monde #ParisCapitaleDuMonde], qui ont laissé la ville groggy pendant des mois ; ceux aussi de 2011 qui ont tué à quelques centaines de mètres de chez moi. Le fait en tant qu’Occidentale d’être cible potentielle s’est ajouté à mon histoire parisienne et de voyageuse, d’avoir conscience que cela peut sauter n’importe où, n’importe quand. De savoir par mon histoire familiale que cela peut VRAIMENT dériver n’importe quand. J’ai retenu de cela le besoin de se réunir, de se serrer, de parler encore et encore, et d’accepter les regards qui se croisent et s’embuent : l’élan viscéral de se sentir humain, solidaires, de partager la peine et l’angoisse. C’est avec cette idée que je suis entrée dans une salle des profs bouleversée. Mon histoire, ce sont aussi les cris « Vive Al-Qaeda, vive Ben Laden ! » proférés par des 4è devant les attentats de Madrid au début de ma carrière : colère, indignation, incompréhension, et l’absence de réponse institutionnelle à cela. Mes élèves n’avaient-ils donc pas d’empathie ? de retenue ? étaient-ils tous des militants potentiels de l’intégrisme armé ? Un peu plus d’expérience m’a appris qu’ils étaient surtout des adolescents ; qui plus est, des ados élevés au pied d’un HLM du Val-d’Oise, enfermés dans un microcosme dont ils savaient déjà pertinemment qu’ils ne sortiraient jamais. Les vacances, c’était avec un sourire éclatant aller voir leur tante à Villiers-le-Bel. Des ados dont l’univers était pour nombre d’entre eux marqué par un non-dit absolu sur l’histoire familiale, le pourquoi de l’émigration (et je le vérifie encore aujourd’hui), si ce n’est « la guerre ». L’enfermement, géographique, corporel, intellectuel, culturel et historique.